• Les B.M.W. "françaises" (3)

    LA COMMANDE promise à la police nationale de 100 B.M.W./C.M.R. ne put dépasser les 80 exemplaires car les "bonnes" pièces se mirent à manquer. Il fallut même faire appel à une entreprise française pour réaliser les cadres. On reconnaît ceux-ci aujourd'hui à leurs tubes de section cylindrique et non ovale comme celui des munichoises. Pour ne rien arranger, certaines des pièces prises chez les fournisseurs français, qui avaient travaillé pour le HPK 503 pendant la guerre, se révélèrent douteuses car elles avaient été "patriotiquement" sabotées. 

    Néanmoins, il semblerait que quelques exemplaires de ces spéciales police aient atteint le marché civil puisque dès juillet 1947, dans une petite annonce de Moto Revue, un habitant de Saint-Pierre-sur-Dives vendait une BMW R73 du modèle "civil". Pour 190 000 francs, il fallait qu'elle soit vraiment neuve ! À titre d'information, la plus chère des motos françaises était alors la 1000 René Gillet, cataloguée 129 888 F avec sidecar avant une inflation galopante...

    Les B.M.W. "françaises" (3)

    Lors de l'édition des Coupes de l'Âge d'Or 1985 (qui précédèrent celles de Moto Légende), débarqua un trio de sides BMW compétition RS54...

    Les B.M.W. "françaises" (4)

    ... Leurs pilotes étaient aussi présents, avec Heinz Luthringshauser, brillant participant des championnats du Monde. Au milieu de ces authentiques machines d'usine se trouvait la non moins authentique R73 n°428 de l'équipage Muylaert/Leseur (ci-dessus).  

    Toujours au 131 bis, avenue de Neuilly, va naître une Société d'Étude et de Construction de Motocycles Rapides en France (SECMRF... ces gars avaient le génie de la formule !) dont l'existence est attestée par le document présenté ci-dessous. C'est une photocopie de très mauvaise qualité d'un prospectus qui permet cependant de dater la création de cette nouvelle société à la fin de 1947.

    En effet, dans la revue Motocycles de novembre 1947 qui publie la liste des "nouveaux prix de ce Salon" figure déjà cette S.E.C.M.R. mais si les "66, 71 et 73" sont bien mentionnées, leurs prix n'y sont pas car remplacés par un "en homologation" de mauvais augure. 

    Sur cette feuille recto-verso (origine ?) sont annoncés trois modèles : en 600 cm3 (R66 culbutée), en 750 latérales (R71) et enfin la 750 culbutée (R73). Sur leurs prix, on n'en saura jamais plus, même dans les années suivantes.  

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    Le texte qui accompagne l'unique illustration d'un modèle latérales est tout sauf encourageant, malgré un enthousiasme de commande. On sent très fortement la réticence à s'engager plus avant dans un avenir commercial. C'est sans doute dû aux difficultés croissantes du C.M.R. dans la collecte des pièces, mais il semble que d'autres R73, mises hâtivement en circulation par des mécaniciens improvisés, déçoivent et la suspicion rejaillit sur tous les modèles, au détriment de ceux du C.M.R. 

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    Roger Sceaux sur une R73 au Bol d'or 1947 qu'il remporta à plus de 77 km de moyenne. Il fut l'un des premiers à améliorer la puissance de l'engin de guerre qu'était la R75, utilisant tous les moyens de l'époque : rabotage des culasses, montage de pistons bombés, carburateurs plus gros et arbre à cames "civil" plus pointu sur le modèle rapporté d'Allemagne par Jacques Charrier. Selon Marc Muylaert (1), auteur d'un livre sur la BMW Rennsport et la R73, on passait ainsi de 26 à 40 chevaux.

    Toutes les R73 ne sont pas aussi performantes que celles de Sceaux, ou de celles qui sortent de chez Jean Murit. Lequel a créé Moto Records, une équipe formée avec Sceaux et Jacques Drion qui vont écumer les épreuves françaises jusqu'à la disparition de Drion tué en course avec sa passagère Inge Stoll au G.P. de Brno 1954. Jean Murit a fourni à René Bétemps la gagnante en 1948 de la même catégorie. En 1951, Sceaux l'emportera à nouveau avec un R75 monté cette fois dans un cadre rigide au lieu de celui à coulissante arrière de 1947 (probablement un R71).

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    Le technicien du C.M.R. puis Cemec Jacques Dormoy auprès d'un banc d'essais où tourne un moteur B.M.W. équipé d'une culasse de Zündapp. Il ne sera pas le seul à tenter d'améliorer "scientifiquement" le rendement du flat-twin munichois, à commencer par les Allemands eux-mêmes...

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    ... avec ce double-flat (le carbu semble avoir souffert) destiné à la course en sidecars sur terre battue, une spécialité teutonne ouverte aux grosses gamelles. Certains attelages étant du type inclinable, le passager disposait d'un volant afin de contrôler l'inclinaison de la machine.. spectacle garanti !

    Les exploits sportifs des Sceaux, Murit, Bétemps et autres spécialistes ne fournissaient pas tellement de retombées économiques ni... financières aux hommes du C.M.R. d'ailleurs peu impliqués dans la compétition. Soucieux de l'avenir, et pressentant que la structure sous tutelle des Domaines allait bien finir un jour, quelques membres d'entre eux avaient fondé une société privée dès 1946.

    Installée à Bièvres, sous le nom (pas simple) de Centre d'Études de Moteurs à Explosion et à Combustion, cette société qui se fera un nom sous l'appellation de CEMEC allait construire ce qui, vaille que vaille, sera la dernière grosse cylindrée française.

    Perpétuant la filière, toutes les pièces restantes du C.M.R. passent donc dans cette Cemec qui, dès 1948, va construire ses premières machines à l'aide d'éléments d'origine allemande et aussi françaises, le tout ressemblant fortement à des R12. Ce qui subsistait de pièces de R75 ne fut pas réutilisé mais trouva une fin de vie honorable et lucrative. En effet, elles seront rachetées au poids par M. Lamy, l'un des membres du C.M.R. qui les écoulera au prix fort durant des années. Il sera imité par Schott , passé à la Cemec avant de l'abandonner devant les difficultés financières. Les deux hommes seront longtemps la providence des restaurateurs des flat-twins munichois qui s'en repassaient les adresses.

    Avec bien des vicissitudes dont les commandes hésitantes ou chaotiques des divers services de police, la Cemec se maintiendra à flot durant plusieurs années, pas vraiment aidée par les pouvoirs publics. Par exemple lorsque la Gendarmerie française refusera de continuer à en acheter et portera ses sous (les nôtres, en fait) chez... BMW ! 

     POUR RÉSUMER : R75 + R71 = R73

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     +

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     =

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     ... et pendant ce temps, en juillet 1951,"L'Agent général" (on ne parlait pas d'importateur) Marius Latscha se console comme il peut...

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    Rappel, pour en savoir plus :

                         "Historique des Motocyclettes CEMEC & Ratier"                                                         par Michel de Thomasson (195?)

    "Détournement pacifique d'une arme tactique - B.M.W. R75" par Marc Muylaert. Département d'études germaniques. Université de Haute-Normandie. 1989

    En janvier 1950, La Revue Technique Motocycliste a publié dans son numéro 25 une étude de la R75.

    Ratier-Cemec Club, Fabrice Bachelet, 4, chemin de la Seigneurie 27160 Bémécourt

     

     


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