• Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    UNE GUERRE MONDIALE A PASSÉ dont Christian Christophe, notre Ch2, réchappe sans qu'on en sache plus sur lui dans les années de 1942 à 1946. Travaillant chez DKW Auto-Union en Saxe, à Zschopau, il aurait pu tomber sous la coupe des Soviétiques qui ont envahi la région, mais il s'est probablement replié sur Berlin où il avait des liens professionnels (la revue Das Motorrad), ce qui n'était finalement pas la meilleure des options...

    Ch2, l'Allemand qui préférait la France (4)

    Berlin, 2 mai 1945 : symbole d'une Allemagne anéantie, le drapeau soviétique flotte sur le Reichstag (photo faite après coup car le bâtiment était tombé aux mains des Russes dans la nuit... sans photographe).

    Au lendemain de la capitulation de l'Allemagne le 8 mai, il est probable que les Alliés ont classé Ch2 parmi les nombreuses et précieuses "têtes d'œufs" du complexe militaro-industriel de l'ex-ennemi. Une fois récupérés dans la zone américaine - les Russes en firent de même de leur côté - cette fine fleur de 15 000 scientifiques, intellectuels et savants divers fut vite remise à l'ouvrage aux États-Unis pour de "meilleures" causes. Un certain baron et néanmoins SS Sturmbannführer dans une autre vie, du nom de Wernher von Braun, en est le fleuron le plus connu.

    Parmi ces "meilleures causes" figurait la lutte contre la menace du communisme en Europe dont les Américains firent leur priorité. D'où l'infernale course aux armements qui en découla, entre l'Ouest et l'Est, avec les missiles balistiques, fusées et autres sucreries du même genre.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    Comme repeinte dans le technicolor d'un Disneyland, la soufflerie de Meudon dont les ronronnements intermittents rythmèrent longtemps le quotidien des Meudonnais (... selon la direction du vent). 

    En 1946, la France décide la création de l'ONERA (Office National d'Études et de Recherches Aéronautiques) afin de stimuler l'industrie du pays qui, à long terme, donnera les Airbus, Mirage et autres Concorde puis Ariane. Huit centres de recherches sont installés en France, dont celui, historique, de Chalais-Meudon (Seine & Oise... ou 92) où se tenait déjà depuis 1877 les expériences d'aérostation.

    C'est à ce centre que Ch2 est intégré, sans doute à cause de travaux antérieurs qu'il évoque dans une lettre à son ami Kracko. Ce dernier est l'un des rares - le seul, peut-être - avec qui après la guerre il échange par courrier, d'abord depuis la France ensuite les États-Unis à la fin de sa vie.

    Ch2, l'Allemand qui préférait la France (4)

    À gauche, Helmut Krackowizer militaire avec sa Rudge préférée. On est en 1943 alors qu'il était en poste dans le service de détection radar en Norvège. Suivant la défaite allemande, il est emprisonné mais libéré dès septembre 1945. Toujours l'œil rieur et dents blanches, Ch2 s'apprête à s'envoler.

     Helmut Krackowizer, journaliste autrichien multicartes (livres sur la moto, pilote de course, amateur de motos anciennes) a été aussi concessionnaire automobile, chef du service de presse chez Porsche, etc.. C'est avec lui que Ch2 évoque les épisodes les plus saillants de sa carrière. Malheureusement, les faits sont parfois difficiles à clarifier. Ils sont racontés comme un monologue dans un esprit de complicité, avec tellement d'allusions sans suite, de sous-entendus hermétiques, le tout dans un désordre saupoudré d'humour (berlinois ?) que trahit le regard malicieux qu'on lui connaît sur ses photos.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    Deux exemples différents des talents artistiques de Ch2. À droite, selon ses idées, la mécanique idéale pour surmonter les difficultés d'un trial.

    Ainsi, que faut-il comprendre sur ces trois mots "heli für uboote" (hélicoptères pour sous-marins) qui figurent dans l'une de ses lettres ? Serait-ce la raison de son transfert dans l'ONERA à un moment - années 50/60 - où l'on y travaille à la mise au point et perfectionnement des...  hélicoptères ? Rien d'autre ne figure sur le sujet dans ses courriers, pas plus que de dessins dont il était coutumier (et doué pour).

    Au contraire de ses recherches sur la suspension des motos, l'une de ses marottes. L'idée de départ était d'apporter un peu plus de confort à tous ceux qui devaient se contenter de deux roues avec un moteur et une parallélogramme. Cela donna en Allemagne des dizaines et des dizaines de 100 cm3 bon marché, surtout à partir de l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Toutes les motos devaient être aptes à un usage guerrier, ce qui excluait les faibles cylindrées. Excepté pour les Hitlerjungend, Il y avait donc un marché à combler et Christophe a abondamment phosphoré sur le sujet. Non pas tant pour des raisons économiques que pour satisfaire son esprit Tournesol. Il a laissé ainsi plusieurs photos et croquis datant de ces années 30. Sujet qu'il reprendra derechef, toujours par la pratique, lorsqu'il s'établira en France. 

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    Incident mécanique lors d'essais de la roue suspendue sur le circuit de l'Avus, au petit jour. Deux DKW ont été utilisées pour établir des comparaisons, l'une étant confiée au photographe. 

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    Comme dans son projet de suspension oscillante sur une NSU (voir le premier article du 6 juillet 2021), Christophe utilise son matériau de prédilection : l'anneau de caoutchouc Neimann (ne pas confondre avec le Neiman des serrures). Ici il y en a douze anneaux dont le principe...

     Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    ... de fonctionnement est illustré ci-dessus. Les vertus de l'anneau Neimann sont connues chez DKW qui en équipa la fourche avant de ses 125 dès 1934.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    Après le théorie vient la pratique et cette fois, c'est le photographe accompagnateur qui s'y colle, en tout-terrain peu... tourmenté.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4)

    La "roue élastique" n'était pas vraiment une nouveauté comme le voit sur cette Indian des années 20 déjà suspendue par ses ressorts à lames.  

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (4) 

    En remontant encore dans le temps, il y eut en 1905 la Roue Roussel mais le but recherché alors était de se passer de pneus car cette roue était montée en bandages caoutchouc. On évitait ainsi la crevaison si désagréable. 

    Malgré son travail à l'ONERA, la passion de Christophe pour le deux roues ne l'a pas abandonné. Et toujours dans la recherche de l'amélioration du confort de l'usager il propose ses solutions. Comme d'habitude, elles sont aussi économiques que pratiques car il les éprouve personnellement en les réalisant. Il aura une même démarche pour faire progresser le moteur deux-temps en prolongeant les recherches sur la question qu'il a entamées avant-guerre. Restez à l'écoute car la vie "française" du bonhomme Ch2 devrait encore vous étonner !

     P.S. Remerciements particuliers au musée d'Hockenheim et à Dieter M. qui m'ont permis d'utiliser les précieux documents sur la roue élastique. 

     À SUIVRE

     


    Tags Tags : , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :