• Le Japon vu comme jamais (1)

    "LES JAPONAIS AFFIRMENT UNE VOLONTÉ de maîtriser aussi parfaitement que possible leur environnement naturel. Nul champ qui ne soit soigneusement labouré et entretenu. Nul arbre dans les vallées et les plaines qui ne soit taillé. L'espace est rare au Japon". Ces Le Japon comme jamais vuphrases de 1993, sont tirées de "Cabu au Japon" un livre co-réalisé avec des dessins du père du Beauf et de l'Adjudant Kronenbourg où il rapportait, avec son humour tendre et acide, les réflexions que lui avait inspiré un monde qu'il découvrait. (Seuil éditeur - 220 pages)

    Le Japon vu comme jamais

    Quelques specimens de plats locaux, mais le McDo l'emporte souvent. 

    D'après la présentation du livre par l'éditeur, Cabu s'est promené au Japon "pendant de longues semaines" crayon en main. De fait, il a voyagé de ville en ville, ne pouvant pas, même durant de longues semaines, voir un Japon inconnu. Celui des provinces, de l'arrière-pays, de la campagne. Le livre compte une centaine de dessins tandis que le texte, signé J.-C. Tournebise, raconte un Japon plus classique. En effet, il était difficile d'égaler le "moulin à dessins" d'un Cabu qualifié de "plus grand journaliste de France" par Jean-Luc Godard, d'habitude plutôt radin en compliments !

    Pour montrer ce Japon ignoré, il fallait un œil ni blasé, ni "touriste". Ce sera celui d'un jeune photographe japonais, et motard par-dessus le marché ! Ce Motoyan, c'est ainsi qu'il signe, a mis des centaines de clichés sur le site No Future Tokyo - No limits No laws. Photos brut de scan, sans aucune légende ni texte. Peu engageant a priori, mais....

    Le Japon vu comme jamais

    À force de scruter ses photos où il apparait rarement, je suppose que Motoyan est ce Harleyiste frénétique, shooté ici par un voisin de route. Ils font partie du club des NFK (No Future Krew), japonisé par un 'K' au lieu du 'C' original traduit de l'américain Crew (équipe, bande, équipe, etc.) 

     À travers ces photos, Motoyan a chroniqué les virées de ses copains un peu partout à travers le pays, du nord au sud. Sans qu'on sache exactement où ils ont trainé. En effet, seuls de fugitifs panneaux indicateurs, à peine visibles dans le décor, donnent des indices. Grâce à Google Earth on trouve quelques une de ces grandes voies (la 492, la 331), mais ça reste quand même vague.

    Le Japon vu comme jamais

    Selon Cabu les monuments historiques sont repeints tous les 20 ans, mais il semble que les Japonais "vénèrent" aussi des vestiges plus humbles. Ils ne les repeignent pas, mais les protègent des attaques, sinon du temps, du moins des automobilistes. Une alignée de gros pavés (à gauche) et un éloignement de la route (à droite) dissuadent les étourdis.

      Le Japon vu comme jamaisPeut-être que certains de ces bus sont toujours habités, voir à gauche la clim' devant le pare-chocs avant et la porte "personnalisée" tout à l'arrière. Celui de droite bénéficie d'une protection partielle grâce à une partie du toit. Tous deux sont en bord de route. Dans sa "Chronique japonaise", Nicolas Bouvier (1929-1999) raconte que lors de son premier voyage au Japon, désargenté, donc à pied... il a dû coucher une nuit dans l'un de ces bus. 

    Bien sûr, les routes suivies par Motoyan et ses copains ne figurent pas sur les itinéraires routiers conseillés. Elles sont plus intéressantes mais aussi plus difficiles, voire plus dangereuses. Cependant, pour des motards rebelles (rappel : No future !), il n'y a guère que l'eau qui puisse être un obstacle. Et encore, pas toujours !

    Le Japon vu comme jamais

    À droite, rizière à sec ; à gauche, rizière à sec ; au milieu, la route-canal qui distribuera l'eau pour la pousse du riz. Au loin, un audacieux à scooter qui ne craint rien car son moteur est à refroidissement - la-la-lèreu ! - liquide.

    Le Japon vu comme jamais

    Audace ou pas, cette fois il faudra rebrousser chemin ! Un panneau indicateur prévenait pourtant que le passage était bouché, mais avec une moto, on passe partout,  jusqu'à un certain point...

    Motoyan a fait le voyage d'un "touriste" qui aurait refusé de s'intéresser aux traditionnels sites "vaut le détour" et autres "demander la clé au voisin". C'est une démarche presque anti-japonaise qui l'a guidé. Déjà, choisir la moto au pays du Shinkansen des 300 à l'heure, ce TGV rapide mais si cher ! (selon vouiki, 300 € les 250 km entre Tokyo et Nagoya). Évidemment, pas question d'hôtel étoilé pour nos nomades mais le camping dans un décor renouvelé chaque soir.

    Le Japon vu comme jamais

    ... en pleine nature mais joyeusement bordélique...

    Le Japon vu comme jamais

    ... près de la ville, sous un pont, bien à l'abri de la pluie...

    Le Japon vu comme jamais

    ... et c'est quand même plus pratique quand on cuisine !

    Le Japon vu comme jamais

    Sur le béton d'un parking poids-lourds peu engageant. Matelas pneumatique apprécié mais réveil en fanfare, car le routier est matinal !

    Des nuits à la dure, mais somme toute, plus calmes que celles des clients qui ont dû fuir cet hôtel "exploré" sur le chemin dans la journée. Tout y a été abandonné en quelques instants. Depuis les cuisines laissées en l'état et prêtes à reprendre leur service dans la minute...

    Le Japon vu comme jamais

    ... jusqu'au bar où quelques bouteilles et tous les verres sont en place, dans une décoration qui paraît bien dérisoire.

    Le Japon vu comme jamais

    Spectacle désolant de la salle du restaurant qui semble avoir été soufflée par une explosion, mais les globes d'éclairage, une vitrine d'exposition et les vitres sont restés en place.

    Le Japon vu comme jamais

    Sans aucune notion de respect, un jeune salopiaud est venu poser avec sa M.V. Turismo Veloce raide de neuf dans l'entrée de l'hôtel. On note qu'il n'arbore aucun signe d'appartenance au NFK, pas plus que sa machine...

    Le Japon vu comme jamais

    Au bureau de la réception, les chaussons à semelle feutre avec monogramme de l'hôtel, attendent des clients qui ne viendront jamais. (D'après ce que j'ai compris, il n'est pas permis au Japon de marcher dans un hôtel (peut-être aussi ailleurs) avec ses chaussures aux pieds, pas plus qu'un animal ne le peut. C'est pourquoi chaque mémère à chienchien fait son shopping en ville avec son trésor transporté dans une petite poussette).

    Le Japon vu comme jamais

    On se demande ce qui a bien pu déclencher un tel désastre. Typhon ? Tremblement de terre ? Une chose sûre c'est que ça s'est produit en 2007 comme en témoigne le calendrier affiché en cuisines. On pense aussi à la catastrophe de Fukushima, mais ça c'était après, en 2011.

    Le Japon vu comme jamais

    Tout le long de la route, on voit d'autres traces de secousses sismiques passées, ici un pont effondré, plus loin...

    Le Japon vu comme jamais

     ... c'est une locomotive à charbon qui rouille, abandonnée en pleine nature avec sa procession de wagons-citernes

     Le Japon vu comme jamais

    Chez les NFK, ce n'est pas la moto qui compte, plutôt l'esprit du bonhomme. Une machine comme celle-ci, qui ferait le bonheur d'un coursier, a autant sa place qu'une autre valant des milliasses de yens (1 ¥ = 0,00772 €).

    Le Japon vu comme jamais

    En France, une carcasse de 4 L ou un vieux Tube servent de refuges aux clochards ou de cibles aux chasseurs frustrés car bredouilles. Ici, il semble qu'il n'y a pas de chasseurs, alors les Datsun (?) 240 (?) profitent en paix de leur retraite.

    Le Japon vu comme jamais

    Pas d'exclusion pour les NFK dans le genre des machines, petites roues ou grandes roues sont à égalité : deux Yamaha de différentes génération, un scooter Majesty 250 (1998 ?), rabaissé à la sauce nippone à côté d'un autre Yamaha plus récent (toutes les photos de Motoyan sont de 2021).

    À suivre

     


    Tags Tags : , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :