• L'accu domine l'actu

    QU'ON LE VEUILLE OU PAS, il va falloir passer à l'électricité pour continuer à rouler et stationner sur deux-roues, du moins en ville. Paris va commencer mais - patience, patience - ça fera tache... d'huile (ha ! ah!). Ensuite, ce sera, ce qui est déjà pratiqué dans quelques communes d'Ile-de-France, le stationnement contre sonnantes pépètes pour tout rebelle qui s'obstinera à rouler moto ou scooter "thermique".

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    "La grande esclave ÉLECTRICITÉ" décrite par Robida le visionnaire. Il a même prévu les "mails" et la mort du courrier avec le misérable qui, dans un ultime sursaut, tente de livrer une dernière lettre (en bas, à droite). 

    Le souhait, formulé au début du dernier siècle par les dames et demoiselles, va donc se réaliser. Elles avaient exprimé leur préférence pour la voiture électrique contre l'automobile à pétrole sale, bruyante et... qui sentait mauvais ! La question fut résolue lors de la défaite de l'électrique pour de bêtes problèmes de poids, d'encombrement et de "ravitaillement" en cours de route, problèmes sur lesquels on achoppe encore aujourd'hui.

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    Lors de la Fêtes des Tuileries, hommage à Camille Jenatzy et à son bolide électrique de 750 kg dont la moitié était constituée par les accumulateurs.

    Néanmoins, la défaite de l'accu devant le pétrole finira par faire oublier l'exploit de la machine aussi belge qu'électrique de Camille Jenatzy, premier au monde à atteindre sur sa "Jamais Contente" le 100 kilomètres à l'heure (105,88 exactement) en avril 1899, à Achères.

    Avant de succomber, l'électricité automobile aura connu de vrais réussites commerciales dans le monde, jusqu'au début des années 20, surtout aux États-Unis. En France, avec plus ou moins de succès, les "électrifiés" Krieger, Janteaud, Darracq, Mildé, Hautier, Dinin, et autres Gautier-Wehrlé vont proposer leur version destinée à enterrer les "vaporistes" et les "explosants".

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    Signée Hautier, cette extravagante "électrique" trahissait sa filiation avec la charronnerie hippomobile par ses fioritures en fer forgé porteuses de lanternes. La place du chauffeur exigeait certaines aptitudes à l'acrobatie.

    Mais il faudra attendre encore longtemps avant que l'accu ou la batterie conquiert les deux-roues. Comptons tout de même une exception, c'est celle du tandem construit par le coureur Pingault et qui sera breveté par Clovis Clerc, un ex-administrateur (avisé) du Vélodrome d'Hiver. 

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    Il existe plusieurs photos du tandem Pingault & Clerc (fonds Gallica-B.N.F.) Celle-ci représente le premier modèle avec le "passager" en position normale. Sur une autre photo il est assis très en arrière afin de fournir un meilleur abri au cycliste qui le suit. Vu la musculature de ses cuisses, il est probable que Pingault est ici à la direction sans que l'on soit certain que l'autre homme est Clerc, la légende originale étant un vague "Tandem Clerc et Pingault". (Voir le second modèle sur l'indispensable site du Petit Braquet : www.lepetitbraquet.fr)

    C'est sur la piste, lors des Arts Libéraux de 1895 que, rapporte L'Industrie Vélocipédique, "...le coureur Pingault, électricien de son métier (...) a eu l'ingénieuse idée d'adapter à l'arrière de ce tandem, à la place d'un compagnon, un moteur électrique actionnant directement la roue motrice (...). Avec la force musculaire du cycliste, Pingault affirme que l'on peut atteindre sur la piste des vitesses de 60 kilomètres à l'heure (...) Ne sachant si les virages de la piste lui permettaient de marcher à cette vitesse, il s'est contenté de faire du 40 kilomètres à l'heure, ce qui est déjà bien joli". Par la suite, suivant cet exemple, Darracq va construire une triplette (!) électrique à moteur réalisé par Postel-Vinay qui flirtera avec les 70 km/h sur vélodrome. "On ira certainement plus loin", prédisait la revue La France Automobile en présentant la machine en 1897.

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    Sur le Darracq-Gladiator, le moteur (55 kilos) se trouve sous les pieds du cycliste du milieu qui n'a qu'à pédaler. Celui de l'avant dispose d'un fusible coupe-contact en cas d'urgence. La commande du moteur de 3 chevaux (alimenté par 28 éléments Fulmen) échoit à l'homme de l'arrière.  

    La formule plaisait effectivement beaucoup au public puisque 12 000 spectateurs se pressèrent lors de la première démonstration de cette Darracq. Cependant, elle coûtait cher aux organisateurs des courses et propriétaires de vélodromes. En effet, il fallait payer autant d'équipes, et de machines, qu'il y avait de coureurs cyclistes. Et encore plus lors d'épreuves de très longue durée qui multipliaient le nombre d'équipes.

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    On s'en voudrait de vous priver de la vue d'une si belle machine au deux moteurs De Dion, même si elle n'est ni située, ni datée. Henri Fournier (à l'arrière) se signalera ensuite au guidon du Clément 4 cylindres en V ou du bicylindre Buchet de 2 300 cm3.

    L'avènement des premiers tricycles à pétrole allaient régler le problème. Désormais, un seul pilote sur une seule machine remplaçait les triplettes, quadruplettes voire quintuplettes (!), renvoyées dès lors à la retraite. La dernière des voitures électriques se vendra aux États-Unis en 1930.

    Le deux-roues électrique, lui, disparaît sans avoir connu de développement commercial en dehors des compétitions cyclistes. Un semblant de renouveau se manifeste brièvement à l'occasion du Salon de Paris 1919 avec L'Electricar d'Armand Couaillet dont les bureaux sont installés au 134, boulevard de Clichy à Paris XVIIIe, avec usines à St-Ouen et Paris XVIIe). Ce véhicule était destiné à l'origine aux "personnes faibles" handicapés, mutilés de guerre (un premier brevet prévoyait une direction "queue de vache" permettant de conduire d'une seule main). L'Électricar présenté ci-dessous reprend l'architecture du tricycle à roue avant directrice et suspendue, mais avec une carrosserie, un fauteuil capitonné et... un volant.  

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    À l'origine, L'Électricar roulait sur pneus pleins ensuite remplacés par des pneus à chambres à air. Le châssis en tubes supporte une carrosserie en bois et tôle d'acier. L'essieu arrière est suspendu sur ressorts à lames. Plus tard,  le "nez" de la carrosserie sera modifié, incorporant  la colonne de direction.

    À en croire la multiplication des annonces et des articles de presse, L'Électricar aurait conquis un immense public féminin. On ne connaît pas sa durée d'existence, mais elle fut suffisante pour que sa carrosserie présente certaines modifications tandis que sa mécanique garde son secret.

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    Rassemblement d'utilisateurs de L'Électricar dans la cour de l'usine de Saint-Ouen. Datée - manuellement de 1919 - cette photo expose déjà des carrosseries au dessin plus "aérodynamique". Elle montre aussi qu'au moins une douzaine d'exemplaires ont existé...

    IL FAUT ATTENDRE 10 ans pour que le courant (électrique) soit rétabli sous le nom de L'Électrocyclette en 1928. Cette fois, c'est bien d'un deux roues qu'il s'agit. Même si ces roues sont petites, puisqu'elles reçoivent des pneus de 500/50, on a enfin un guidon et une selle. 

    L'accu domine l'actuSes grandes lignes reprennent celle du scooter qui fit florès quelques années après l'armistice de 1918. Son cadre double-berceau reçoit un coffre métallique qui enferme le moteur de 1/2 ch et 4  accumulateurs de 150 amp/h. De quoi vous emmener à des 25 km/h durant environ 30 km sans besoin de recharge.

    Cette patinette de 73 kilos n'avait que le défaut d'être très chère. Proposée à 1 900 F "en ordre de marche", c'était 50 à 150 F de plus que le prix d'une 175cm³ monovitesse de construction classique. Il fallait aussi passer outre les 10 heures nécessaires à la recharge des accus effectuées à l'aide d'un chargeur facturé 500 F !

    La concurrence à 1725 F - 1875 F se trouvait chez Griffon, Alcyon, Rhony'X et autres Armor/Labor, tous écrasés par le nouveau venu Motobécane qui annonçait sa 175 à 1700 F ! La crise de 1929 n'arrangera rien, mettant tout le monde à égalité à 2 500 F, du moins pour ceux qui survivront...  

     À SUIVRE


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