• Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (3)

    L'HYPOTHÈSE émise dans l'article précédent - Christophe venant d'Allemagne par la route courir le Bol à Montlhéry -  n’a rien d’extraordinaire puisque en 1939, il revient, vraisemblablement au guidon d'une machine, pour participer aux 12 Heures de Montlhéry. On le voit ici, en discussion avec son vieil ami Robert Sexé, assis sur la plate-forme d'un sidecar (Indian ?), qui transportait sa machine de course. Il faut dire qu'avec sa nouvelle "création" il n’aurait jamais pu affronter les embûches de la route, sauf à violer les lois élémentaires de la circulation !

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    L'environnement à Montlhéry n'est pas des plus accueillants, mais le décor est secondaire quand deux amis se retrouvent. Le brassard de Christophe indique qu'on en est aux essais/vérifications alors que Sexé arrive tout droit de son domicile campinois. À moto comme l'indique son manteau bien culotté (doc. moto-collection.org)

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la FranceDans cette épreuve, pourtant plus courte qu'un Bol d'or, Christophe va faire équipe avec son compatriote Heinz Hoffman avec qui il a déjà connu plusieurs aventures motocyclistes. À l'arrière-plan à gauche, Sexé tel l'ange tutélaire suit les opérations. La Guzzi que l'on distingue à droite serait celle de Bouchaud - X... une 250 cm³ engagée en catégorie "Professionnels". (doc. moto-collection.org).  

    Une fois encore, c'est DKW qui a fourni la partie-cycle. C'est celle de la 100 RT de série, peut-être la même vue au Bol d'or précédent, avec fourche et réservoir d'origine. Mais le cadre est largement modifié dans sa longueur afin d’y installer un moteur deux-temps, catégorie 125 cm³ aussi… original qu'encombrant.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    Extraite de Das Motorrad, voici la photo du moteur de la machine que Christophe a préparée. Elle est engagée dans la catégorie "Professionnels" avec la mention "DKW", ce qui pourrait montrer un certain intérêt de Zschopau pour l'expérience de Christophe. Pourtant son moteur provient d'une autre marque, la Bekamo (Berliner Kleinmotoren Fabrik) fondée en 1920 par l'ingénieur Hugo Ruppe.

    Dès avant la première guerre, Ruppe (1874-1949) a construit des automobiles et aussi des moteurs deux-temps  et quatre-temps, mais ses préférences le poussent vers le cylindre à trous. Il entre chez DKW à Zschopau en 1918 et propose vainement un moteur innovant au grand patron Jorgen S. Rasmussen. Suite à un différend entre les deux hommes, Ruppe quitte DKW et part à Berlin en 1920 où il fonde la Bekamo puis se lance dans la fabrication motocycliste.

    On connaît ce nom dans les encyclopédies de la moto pour une machine originale dont le cadre est en bois (de frêne). Il est constitué essentiellement par une poutre - renforcée par des ferrures - allant de la colonne de direction au moyeu arrière. Cependant, les gens sérieux considèrent que Ruppe est d'une autre importance grâce à ses moteurs deux-temps innovants à plus d'un titre. 

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    Le moteur de ses machines est un deux-temps monocylindre horizontal en alliage chemisé fonte. La culasse traverse un volumineux radiateur (sur le modèle refroidi par eau choisi par Ch2) laissant apparaître la bougie d'allumage.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    L'une des premières réalisations selon les idées de Ruppe.

    Esprit prolifique, Hugo Ruppe fit subir les pires sévices à ses moteurs deux-temps. Sur le modèle ci-dessus on se trouve devant un système proche d'une classique suralimentation par compresseur. Via le carburateur le mélange gazeux passe directement dans un cylindre à course très courte, opposé (à gauche) au cylindre principal. La bielle du "contre-piston" du cylindre "court" tourillonne sur un excentrique solidaire de la queue du vilebrequin. Le  maneton principal et l'excentrique étant décalés de 180 degrés, un piston monte lorsque l'autre descend.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    En plus de ses machines sous la marque Bekamo, Ruppe produisit des moteurs "simplifiés" destinés à d'autres marques comme, en 1924, cette Brand de 3 hp 1/2 construite à Berlin par Brand & Sohn.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France

    En 1923, Brand pouvait se flatter de bons résultats en compétition comme le proclamait sa publicité : "32 Engagements - 31 Victoires". Et encore, selon un procédé qui sera utilisé par bien d'autres marques et dans d'autres pays : "Deutschlandfahrt : 1 Bekamo au départ - 1 Bekamo à l'arrivée". Ce qui dispensait de fournir un classement plus précis....

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (3)

    Les Bekamo  obtenaient du succès, mais dans une version moins compliquée, donc moins chère. Le "contre-piston" est toujours présent, comme en atteste le boîtier carré qui le contient à l'arrière du carter-moteur, mais le carburateur a repris sa place normale.

     Après 4 ans à Berlin, toujours possédé par la passion de la recherche, Hugo Ruppe quitte la capitale allemande et part à Festenberg, en Silésie, tout à l'est du pays. Il y aurait créé une entreprise de... machines-outils !  À la fin de la Deuxième guerre, il reviendra à Zschopau et tentera, vainement, de produire des petits groupes électrogènes. Il décède en 1949, oublié de tous. Sa ville natale d'Apolda l'honorera plus tard par une rue et une place à son nom.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (3)

    Carénage et compresseur sont les armes indispensables dans la chasse aux records des années 30, que ce soit en Italie (Rondine-Gilera), en Angleterre (Brough-Fernihough) et bien sûr en Allemagne. Démonstration ici par DKW avec Winkler sur une 175. Les "choses" qui enjolivent des deux côtés du bas-moteur profilent les carburateurs. 

    Travaillant chez DKW, notre Ch2 n'a pu ignorer les travaux de Ruppe. Ceux-ci se retrouvent dans la construction des redoutables 250 twins à compresseur de Zschopau qui, durant deux décennies, ont écumé les circuits de Grands prix européens. Sans oublier les records mondiaux en 175 et 250, établis ou battus par les Walfried Winkler, Ewald Kluge ou Artur Geiss qui leur valaient avantages et hommages dont souvent une poignée de mains du Führer. "La plus belle récompense de toutes" écrira Winkler dans son autobiographie publiée en 1944.

    Ch2 : l'Allemand qui préférait la France (3)

    À gauche, le premier modèle de DKW à piston-pompe de 1924. C'est une 175 qui utilise le piston (principal) à déflecteur avec une alimentation classique des gaz par le carter. La 250 bicylindre de course, à droite, montre un piston auxiliaire qui "aspire" le mélange gazeux  à travers une membrane à lamelles... que Yamaha "découvrira" à grand son de trompe quelques décennies plus tard. Les pistons sont devenus plats selon les principes du balayage Schnürle. Le brevet en avait été acquis par J.S. Rasmussen, avec exploitation exclusive pour DKW jusqu'en 1950. 

    Il faut dire que DKW ne lésinait pas dans sa lutte contre la concurrence - essentiellement - Benelli et Guzzi, passées elles aussi au compresseur classique. À la veille de la guerre, en 1939, le service courses de Zschopau occupait 115 personnes (dont 20 apprentis).

    C'est avec une équipe beaucoup plus modeste que Christophe prend le départ des 12 Heures en 1939. En tout et pour tout deux personnes : son co-pilote Heinz Hoffman, et Robert Sexé.

    Avec sa machine "usine à gaz", la pioche de Ch2 fut à peine meilleure qu'en 38 et surtout sans rapport avec l'effort technique et le jus de cervelle qu'elle a nécessités. En 12 heures, c'est à dire la moitié d'un Bol d'or, les deux hommes ont abattu 743,544 km contre le chiffre précédent : 1401 km en 24 heures. Ces deux tours d'horloge durant lesquelles Christophe avait connu la nuit et même quelques passages de pluie. On se doute bien qu'il ne venait pas en France pour battre des records, mais une meilleure récompense de ses efforts aurait sans doute été appréciée.

    Il n'en sera pas découragé pour autant comme la suite de ses aventures le montrera.

    C'est donc... À SUIVRE !


    Tags Tags : , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :